Prenez un fauteuil, un coussin, une tasse de thé : Neph s'occupe du reste et vous parle sur son blog de livres et de films, au gré de ses découvertes...
Destinée à devenir la Mère de Béthely, celle qui perpétuera la lignée, Lisbeï est élevée dans le but de célébrer un jour la Danse, cérémonie rituelle qui vise à la procréation avec un Mâle. Mais, en grandissant, Lisbeï se révèle être stérile... C'est sa soeur, Tula, dont elle est si proche, qui va remplacer Selva en tant que Mère. Lisbeï, elle, doit trouver sa nouvelle place. L'exploratrice Kélys va l'y aider et Lisbeï, devenue à son tour exploratrice, va de découverte en découverte. L'une d'entre elle, majeure, va peut-être bouleverser les croyances du Pays des Mères, et la vie de Lisbeï par la même occasion.
Toute nouvelle inscrite sur le Cercle d'Atuan, j'ai été ravie d'accompagner les membres tutélaires du forum dans une de leurs fameuses lectures communes, celle de janvier histoire de bien commencer l'année ! Malgré toute cette bonne volonté, j'ai quand même trouvé quelques désagréments à ma lecture...
Le Pays des Mères imaginé par l'auteur fait la part belle aux femmes ; c'est le moins que l'on puisse dire. D'ailleurs, je devrais dire "auteure", même si ce féminin abusif me hérisse le poil : Elisabeth Vonarburg fait de ce procédé la règle grammaticale fondamentale du Pays ! Les accords se font tous au féminin... au point que le mot "chevale" supplante le mot jument ! Il m'a fallu plusieurs bonnes dizaines de pages pour me familiariser avec l'idée, mais les 625 pages du roman ne m'ont pas permis de m'en remettre !
Le fonctionnement du Pays des Mères est fondé sur la domination des femmes sur les hommes, relégués au simple rang de procréateurs, et ce pour une faible marge d'entre eux. Les petites filles naissent plus nombreuses que les petits garçons et, en grandissant, les jeunes femmes n'imaginent pas un seul instant se lier d'amitié avec eux, ni même les côtoyer. Drôle de fonctionnement, mis au point après des siècles d'abus perpétrés contre les femmes et que l'on comprend au fur et à mesure l'Histoire du Pays se dessine devant nous : Harems, Ruches, nombreux sont les systèmes d'Etat abandonnés au profit de celui-ci qui, enfin, fait des femmes le sexe au pouvoir, et ce à tous les rangs et places de la vie quotidienne comme au plus haut de l'Etat.
Toute l'éducation procède d'une préservation coûte que coûte des enfantes (sic !) qui, fruits des relations règlementées entre Rouges (femmes et hommes en bonne forme et en âge de procréer), sont éduquées loin de leur mère respective : ce terme même est inusité et les enfantes sont élevées par des nourrices. Pire encore : "Les enfantes sont élevées à l'écart, en garderie jusqu'à sept années, comme chez les Juddites les plus strictes. "Mosta", non-personnes, jusqu'à sept années [...] Pratiquement pas d'éducation avant sept années non plus, bien entendu ! "Moins les mosta en savent, moins elles en perdent si elles doivent rejoindre Elli"". Voilà qui est terrifiant : on n'éduque pas les enfant(e)s avant sept ans, des fois qu'ils/elles meurent en bas âge et que leur savoir soit ainsi perdu !
Si des références multiples évoquent au lecteur son propre monde dont il reste quelques traces à l'époque du Pays des Mères, la société mise au point possède des défauts qui m'ont semblé rédhibitoires à l'épanouissement de la majeure partie de ses membres. Par ailleurs, la réglementation absolue des relations charnelles amène à une incompréhension de la sexualité, au point qu'aucune des relations dont on sera témoin dans l'ouvrage n'échappe à l'inceste ou à une violence sous-jacente, physique ou morale et consistant alors en une grande méconnaissance de l'autre. Je crois que cela a été le point le plus difficile à surmonter au fur et à mesure de ma lecture.
Seuls les efforts de Selva pour contrecarrer, à sa modeste échelle, des traditions séculaires qu'elle juge douloureuses ou dépassées, ont trouvé grâce à mes yeux. Lisbeï est un personnage torturé, marqué au fer rouge par la séparation forcée d'avec sa soeur Tula : malgré les réussites, jamais elle ne s'épanouit complètement et sans arrière-pensée. Elle grandit et évolue, certes, sans échapper pourtant à un ressentiment qui la dépasse. Lisbeï, une héroïne tragique ? Elle en possède clairement quelques caractéristiques...
Les réticences que j'ai mentionnées ont fini par avoir raison de mon intérêt pour l'ouvrage : j'ai traîné pour lire les deux cents dernières pages... Peut-être suis-je encore trop néophyte en terme de SF : en tout cas, la complexité de l'univers mis au point par Elisabeth Vonarburg n'a pas réussi à me charmer, ni ses personnages. Mais ça a au moins été l'occasion de lire l'ouvrage d'un auteur dont j'ai appris qu'elle avait été professeur de français, elle aussi, et même pas très loin de chez moi !
Les avis des lecteurs du Cercle : Tortoise, ... [à venir].