Attention à ne pas confondre Arthur Miller et Henri Miller (qui n'a pas épousé Marilyn !)
Nous sommes dans le Nevada, à Reno, au cours des années cinquante. Alors qu'elle est sur le point de se rendre au tribunal pour divorcer d'un homme qui ne la rend pas heureuse, Roslyn rencontre Guido, un mécanicien : celui-ci s'éprend immédiatement de la belle. Il la retrouve un peu plus tard, accompagné de son ami Gay. Malheureusement pour Guido, Roslyn devient amoureuse de Gay... Mais son amour, qui supporte la dureté du mode de vie des hommes, ne s'accommode pas de leur violence envers les chevaux sauvages qui vivent dans les montagnes et qu'ils attrapent pour les vendre.
(Pourquoi Les Misfits ? La traduction admise en VF étant Les Désaxés, pourquoi ne pas l'avoir gardé ? Ou, quitte à garder la VO, ne pas avoir choisi The Misfits ? Voilà un parti pris qui m'intrigue...)
C'est un livre étrange que ce Misfits... Ecrit par Arthur Miller à l'époque où il était sur le point de devenir l'époux de Marilyn Monroe, il a pour prétexte l'envie de Miller d'offrir à Marilyn un rôle dramatique à sa mesure et n'est destiné qu'à être adapté en film. Cette particularité se retrouve dans la forme : les dialogues sont introduits par le nom du locuteur à chaque réplique, ce qui, selon moi, fait manquer l'ensemble des paroles de fluidité. Mais le livre est empreint d'une grande poésie et d'un style qui correspond exactement au titre : le narrateur omniscient semble tout aussi décalé, désaxé que ses personnages et observe le monde comme un témoin. Son étrangeté, sa beauté, sa force, son impassibilité, sa permanence glissent sur les personnages et laissent sur eux une empreinte terrible.
Les personnages, Roslyn en tête, ont souffert et souffrent encore du temps qui s'écoule et contre lequel ils ne peuvent lutter : Roslyn est désabusée de n'avoir jamais connu l'amour profond qu'elle attend mais tombe encore dans les bras de Gay ; s'efforçant d'aimer celui-ci du mieux qu'elle peut, elle souffre d'une candeur et d'un trop-plein d'émotions qui la poussent à prendre la vie et ses souffrances bien trop à coeur. Guido, veuf, se berce d'illusions ; Perce, le cow-boy, est irrémédiablement seul et vieillissant, sans vouloir en prendre conscience ; quant à Gay, lui aussi vieillit : il veut croire que ses enfants pensent à lui, que son amour pour Roslyn peut l'aider à rester jeune, mais garde trop bien ancrées en lui ses habitudes et ses moeurs de cow-boy solitaire et habitué à le rester.
Tous ces personnages semblent ne pas pouvoir lutter contre leur milieu, leur destin, et nous laissent l'impression persistante d'une tristesse profonde, poignante et inévitable. Pour moi, c'est une réussite magistrale qui me donne évidemment l'envie de voir le film, bien que je sois plus réticente à ce genre de films qui vous font sortir les mouchoirs et ne vous donnent envie que de pleurer le jour durant au fond de votre lit...
Ce serait aussi l'occasion de lire ça, qui dort dans ma PAL depuis trop longtemps :
Ce livre faisait l'objet d'un partenariat avec Blog-O-Book et les éditions Robert Laffont. Merci à eux !