Tess Durbeyfield, née d'un père rêveur et alcoolique et d'une mère dépassée par sa maison à tenir, grandit en apprenant à être responsable d'elle-même et de ses frères et soeurs. Alors qu'elle remplace son père pour emporter une carriole au marché, leur âne décède. Tess se sent terriblement coupable et accepte, pour atténuer sa culpabilité, d'aller demander à une supposée parente nommée D'Urberville de l'employer. En effet, depuis que le père de Tess a appris que leur famille descendait de nobles déchus du voisinage, il n'a de cesse de retrouver le faste du passé.
Si Tess est embauchée, c'est grâce au jeune Alec d'Urberville qui abuse bientôt de la confiance de la jeune femme. Quatre mois plus tard, Tess n'a d'autre choix que de rentrer chez elle, enceinte d'un enfant qui mourra peu après sa naissance. Mais Tess est déshonorée et s'engage à nouveau loin de chez elle pour ne pas subir le regard accusateur des autres. Employée dans une laiterie, Tess rencontre le jeune Angel Clare, fils d'un pasteur. Leur histoire s'annonce sous les meilleurs auspices, mais Tess redoute le poids du secret qui pèse sur elle.
La couverture, si jolie, n'est pas étrangère au choix du livre à la librairie ! J'en ai profité pour racheter Les Hauts de Hurlevent dans la même collection, juste pour la couverture !
J'avoue sans complexe aucun que je n'avais aucune idée du sujet du livre en le choisissant à la librairie. D'emblée, j'ai aimé le personnage de Tess, jolie et pleine de vie : "C'était une belle fille, bien faite, pas mieux que d'autres peut-être, mais sa bouche mobile d'un rouge de pivoine et ses grands yeux innocents donnaient de l'éloquence à la couleur et à la forme. Elle portait un ruban rouge dans les cheveux et elle était la seule du blanc cortège qui pût se vanter d'une si éclatante parure." Aimante envers sa famille, honnête et droite, Tess obéit toujours à des règles de conduite strictes et destinées à la préserver de la grossièreté des paysans avec qui elle travaille. Si elle leur paraît snob, elle nous paraît touchante et fragile. De fait, c'est ce qui causera sa perte : n'osant s'affirmer face au rustre Alec, elle se laisse prendre petit à petit dans un piège qui se referme sur elle et Alec profite de la situation pour les perdre en forêt et abuser de la jeune femme qui s'était endormie.
Le passage de la mort de l'enfant né de cette union est effroyable de tristesse, tout comme son enterrement :"L'enfant fut donc porté au cimetière, cette nuit-là, dans une petite boîte de bois blanc, sous un châle de vieille femme et enterré à la lueur d'une lanterne, moyennant un shilling et une chope de bière au fossoyeur, dans ce coin méprisable du terrain assigné à Dieu [...]. Malgré ces fâcheux alentours, Tess fit bravement une petite croix avec deux planchettes et un bout de ficelle et, l'ayant entourée de fleurs elle la planta au haut de la tombe, un soir qu'elle put entrer au cimetière sans être vue ; elle mit également à l'autre extrémité une botte des mêmes fleurs dans un petit vase rempli d'eau pour les conserver fraîches. Qu'importe si le regard du passant remarquait sur le vase les mots " "Confitures Keelwell" ! La tendresse maternelle, dans sa vision plus haute, ne les apercevait même pas."
Heureusement, tout au long du livre, les paysages de l'Angleterre, verdoyants, lumineux et fertiles, enchantent notre imagination et nous transportent avec Tess dans la laiterie, sur le lieu de son nouvel emploi. On comprend facilement qu'un tel retour à la vie, après des moments si sombres pour la jeune Tess, qui n'a que vingt ans, soit propice à l'amour de la nature et de l'autre en la personne d'Angel : "Sans jamais aller plus loin que les paroles, sans jamais tenter d'autres caresses, il lui fit une cour obstinée, à mi-voix, en accents aussi doux que le murmure du lait jaillissant, auprès des vaches, ou à l'heure de l'écrémage, ou tandis que se faisait le fromage ou le beurre, parmi les poules couveuses ou les cochons et leur portée. Jamais petite laitière n'avait été ainsi courtisée et par un homme comme lui." La vie là-bas est d'une simplicité déconcertante et pleine de tendresse.
C'est la raison pour laquelle les tours et détours connus par Tess après le mariage et la longue absence d'Angel m'ont moins convaincue. Je garderai toutefois le souvenir d'une Tess touchante, sincère et empreinte d'une conscience trop aigüe pour son temps et sa condition.