C'est un tel plaisir qu'un livre choisi dans le cadre d'un partenariat parce qu'il semblait tentant se révèle finalement encore meilleur que ce que l'on s'imaginait. C'est le cas aujourd'hui avec Speed Queen.
"Bon, vas-y, dis-nous plutôt de quoi ça parle !"
Marjorie est en prison, plus pour longtemps : elle attend dans le couloir de la mort son exécution qui doit avoir lieu dans la soirée. Pour subvenir aux besoins à venir du fils qu'elle laisse orphelin, elle a accepté de répondre aux questions d'un romancier qui désire écrire un livre à partir de son histoire. Ce romancier n'est pas n'importe qui : il s'agit de Stephen King.
Marjorie se lance donc dans un récit de sa vie, rythmé par les questions diverses d'une liste qu'elle égrenne : ayant connu l'alcoolisme au début de sa vie d'adulte après une enfance pourtant heureuse, elle sombre dans la dépendance à des tas de drogues, dépendance que connaît aussi son compagnon, Lamont. Pour quelques petits délits, Marjorie est emprisonnée une première fois et rencontre Natalie, qui deviendra son amante puis celle de Lamont. Le triangle amoureux, bientôt déchiré par les rivalités, va dériver vers des délits de plus en plus graves, jusqu'à une série de meurtres en chaîne qui les mènent au point de non-retour...
Je vous dirai tout de suite que je n'ai pas trouvé trace de l'humour décapant qu'évoque la couverture. En revanche, "l'intelligence implacable", oui et re-oui. S'agissant déjà de la forme choisie par l'auteur, il y a de quoi s'étonner : jamais nous ne lirons la moindre question formulée par le Stephen King qui interroge Marjorie, mais directement les réponses de cette dernière ou une de ses reformulations. D'ailleurs, les références aux grandes oeuvres de King sont légion dans les réponses de Marjorie.
Marjorie raconte une histoire qui pourrait faire froid dans le dos : la manière dont se concluent les assassinats qu'ils commettent fait frémir, et Marjorie n'enjolive rien. Pourtant, à travers ses dires, elle apparaît comme une femme amoureuse, qui se veut forte mais n'est que pathétique : prête à tout pour l'homme qu'elle aime, elle ne se rend pas compte des folies qu'elle accepte, ni du fait qu'ils basculent de plus en plus profondément dans l'illégalité avec leurs petits trafics en tous genres. Malgré tout, on ne peut s'empêcher de la trouver attachante et de redouter la fin du livre, quand viendra le moment de l'injection léthale...
A travers les souvenirs de son personnage, Stewart O'Nan brosse un portrait plutôt effrayant de l'Amérique profonde : accros aux multiples mets proposés dans tous les fast-foods imaginables et complètement dingues de voitures, Marjorie énumère sans complexe des noms abracadabrantesques de plats ou d'équipements automobiles très détaillés, au point que le traducteur ait éprouvé le besoin d'ajouter en fin d'ouvrage un lexique pour expliquer ce que désignent tous ces mots. Grand bien lui en a pris ! Le tout forme un ouvrage édifiant, étonnant et addictif, comme la drogue l'était pour Marjorie. Du O'Nan, j'en redemande !
Je remercie la Blog-O-Book Team et les éditions Points pour cet envoi !