Plus de vingt ans après la Révolution et après la chute du Premier Empire, la France voit revenir à sa tête la famille des Bourbons représentée par Louis XVIII, Louis XVI ayant été guillotiné et son fils ayant succombé dans les geôles parisiennes...
Hector Carpentier, jeune médecin parisien à la suite de son père, est soupçonné du meurtre d'un certain Leblanc qu'il semble ne pas connaître, mais il se trouve que le défunt portait sur lui l'adresse de Carpentier et semblait se rendre au domicile de ce dernier. Le sulfureux Vidocq prend l'enquête en main et, s'apercevant rapidement que le jeune Carpentier est aussi blanc que neige, le prend sous son aile pour qu'ils démasquent ensemble le véritable coupable. Mais les deux hommes sont entraînés dans une affaire secrète bien plus large que ce simple meurtre : le jeune Louis XVII ne serait peut-être pas mort en 1795, et le pouvoir lui reviendrait désormais à la place de Louis XVIII...
Thriller, nous dit la couverture... N'exagérons rien...
Louis Bayard, qui n'a de français que le nom et probablement aucun rapport avec le chevalier éponyme sans peur et sans reproche, se lance et nous lance avec La Tour noire dans la reconstitution de Paris au début du XIXème. Les descriptions de la ville nous donne à voir une cité sombre, humide, peu avenante... idéale en somme pour être le théâtre d'un meurtre énigmatique : "Nous sommes lundi 23 mars, le jour du printemps pour être exact, quoique la nouvelle semble ne pas avoir atteint Paris. Depuis environ une semaine qu'à la façon d'un invité malveillant une bruine glacée s'est installée ici, les différences normalement établies entre l'air et l'eau sont noyées dans un bruit d'éclaboussures. On n'entend que ça : les siennes à soi, celles de la promeneuse derrière soi et du piéton devant. Partout ce bouillonnement noir et liquide fait de nous les grenouilles d'un royaume englouti."
Il ne fait pas bon se promener dans les rues parisiennes...
Vidocq y règne en maître absolu, se fondant dans la masse et harponnant les malfrats à la petite semaine qui tentent d'y survivre. Un pied parmi les brigands, mais un autre à la Sûreté où il est le chef d'une brigade à son image. L'épisode de sa rencontre avec Carpentier est ahurissant de réalisme : s'étant déguisé, il se défait petit à petit de ses frusques devant les yeux du jeune médecin complètement ébahi : "Ce n'est rien comparé aux changements qui affectent son corps. Il se défait ! Les lambeaux s'échappent de sa manche vide, son bras valide fouille dans le creux de sa poitrine et, miraculeusement, un second bras apparaît à la place du moignon. "Une hydre aux membres qui repoussent" pensé-je, émerveillé, en le regardant. [...] Il grandit. Comme s'il découvrait subitement six pouces de vertèbres enfouis dans une épine dorsale qu'il déploie sans encore en connaître la longueur. Devant mes yeux, l'invalide et minuscule vieillard de ma rue est devenu un solide gaillard de cinq pieds, deux pouces et six lignes. Carré, fier, sec, comme issu d'un relevé géologique, avec des reliefs musculeux bordés de graisse, elle-même immergée dans des strates de chair." C'est à proprement parler Vidocq qui devient le point central du livre et autour duquel gravite les autres personnages, à commencer par Carpentier.
Ainsi, il faut voir en La Tour noire un livre policier, dont Vidocq serait l'enquêteur principal secondé par Carpentier, qu'un thriller à part entière (pour un thriller pur et dur, allez faire un tour vers mon précédent article !). L'enquête en elle-même m'a plu, sans me passionner pour autant : le personnage de "celui-qui-pourrait-être-Louis-XVII", par exemple, m'a semblé trop peu fouillé... Peut-être est-ce dû à l'amnésie que lui a conférée l'auteur ! En revanche, j'ai aimé pouvoir faire revivre Carpentier père par la découverte de ses écrits par son fils.
A mon sens donc, pas le "meilleur thriller de l'année" mais un policier agréable, envoyé par la très attentionnée Solène Perronno des éditions du Cherche-Midi, que je remercie chaleureusement !
D'autres avis chez mes camarades Yspaddaden, Karine :), Gruikman, Madame Charlotte...