Les lectures des oeuvres de Stephen King se suivent... et se ressemblent. Encore une fois, j'ai eu peur : mais comment ai-je pu lire tout ça à quinze ans sans être terrorisée ? Il faut croire que mon grand âge me rend peureuse ! Toujours est-il qu'en empathie avec l'héroïne, je tressautai au moindre bruit dans la maison.
(Alerte à la couverture moche, même si elle est plutôt récente et que les éditions J'ai Lu sont d'habitude championnes en ce qui concerne les King...)
"Bon, vas-y, dis-nous plutôt de quoi ça parle !"
Trisha a neuf ans. Ses parents ont divorcés ; avec son frère, un ado grincheux, elle a suivi sa mère qui, malgré les efforts qu'elle déploie pour occuper les enfants, éprouve des difficultés à leur faire accepter leur nouveau mode de vie. Ce jour-là, l'excursion organisée par la maman dans les Appalaches agace prodigieusement le frère de Trisha, qui se dispute copieusement avec sa mère. Trisha, plus qu'ennuyée par ces disputes coutumières, s'écarte volontairement seule de la piste pour satisfaire un besoin naturel. Mais personne ne remarque que Trisha ne suit plus, et la petite fille, qui pense avoir trouvé un moyen de regagner plus vite la piste, va s'égarer dans la forêt, seule.
A vrai dire, la première page nous offre une phrase qui résume assez bien la situation dont la petite Trisha va se retrouver prisonnière : "Le monde a des dents, et quand l'envie le prend de mordre, il ne s'en prive pas. Trisha Mc Farland avait neuf ans lorsqu'elle s'en aperçut. Ce fut un matin, au début du mois de juin. A dix heures, elle était assise à l'arrière de la Dodge Caravan de sa mère, vêtue de son maillot d'entraînement bleu roi de l'équipe Red Sox (avec 36 GORDON inscrit au dos), et jouait avec Mona, sa poupée. A dix heures, elle était perdue dans la forêt. A onze heures, elle s'efforçait de ne pas céder à la panique, de ne pas se dire Je suis en danger, de chasser de sa tête l'idée que les gens qui se perdent dans la forêt s'en tirent quelquefois avec de graves blessures, que quelquefois même ils en meurent."
Dans les centaines de pages qui constituent la suite du livre, la réaction de la famille de Trisha n'est donnée à voir qu'à de très brèves reprises, laissant voir succintement leurs sentiments. A vrai dire, nous n'en savons pas beaucoup plus que la petite Trisha, perdue au milieu de sa forêt.
Au début, on éprouve du mal à compatir au sort de la fillette, car il ne se passe pas grand-chose à part des attaques féroces de moustiques et de la pluie qui la trempe. Mais au vu des pages qui nous attendent, on se doute que le pire est à venir. Stephen King sait faire prendre la sauce, à coup de répliques choc qui donnent à cette aventure la marque de la fatalité : lorsque Trisha hésite entre deux itinéraires à suivre, il n'hésite pas à nous dire à l'avance qu'elle a fait le mauvais choix et qu'elle se lance sans le savoir dans un périple au cours duquel elle traversera des dizaines de kilomètres sans croiser la moindre trace humaine.
La folie n'est pas loin de guetter Trisha, qui doit surmonter une grande fatigue, des problèmes de digestion de ce qu'elle ingurgite en forêt et une faiblesse physique de plus en plus marquée. Elle commence à avoir des visions et fait des cauchemars terribles. La présence de Tom Gordon, son joueur de base-ball favori, qu'elle imagine à ses côtés pour se rassurer, devient presque palpable. A travers le livre, c'est la figure du père qui est la plus souvent évoquée, laissant deviner en filigrane la tristesse de la petite fille, de qui le papa s'est fatalement éloigné à cause de son divorce.
Pour autant, plaint-on cette petite Trisha ? Je dois avouer que je reste dubitative quant aux exploits que l'auteur lui fait réaliser. Pleine de ressources, elle me paraît bien trop maline dans la situation qu'elle subit. Les trésors d'ingéniosité dont elle fait preuve sont parfois exagérés, et j'ai eu du mal à y croire, ce qui a un peu gâché mon plaisir. Il ne restera pas au palmarès des meilleurs livres de Stephen King, en ce qui me concerne, mais ce fut encore une fois une lecture plutôt "agréable" à mettre au compte du Challenge !
Une lecture commune avec Pando, dont le billet ne saurait tarder, et que je ne saurais blâmer puisque j'ai moi-même une semaine de retard dans la rédaction de ce billet. Hum !